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LE DISCIPLE

ger, au gage de quarante-cinq francs par mois, qui devinrent bien vite soixante. Le savant lui donnait en outre cinquante francs d’étrennes. Il ne vérifiait jamais son livre, qu’il réglait, chaque dimanche matin, sans aucune contestation. C’était elle qui avait affaire à tous les fournisseurs, sans qu’aucune remarque de M. Sixte vint la troubler dans ses combinaisons, d’ailleurs presque honnêtes. Enfin, elle régnait au logis en maîtresse absolue, situation qui excitait, comme on le pense, l’universelle envie du petit monde sans cesse en train d’aller et de venir par l’escalier commun, qu’un frotteur nettoyait tous les lundis.

— « Hein ! mademoiselle Mariette, l’avez-vous mise la main sur le bon numéro, l’avez-vous mise ?… » lui disait Carbonnet quand la bonne du philosophe s’arrêtait une minute à causer avec son interlocuteur, devenu plus vieux. Il était obligé maintenant de porter des lunettes sur son nez carré, et il ajustait avec peine ses coups de marteau sur les clous qu’il enfonçait dans des talons de bottine, la forme serrée entre ses jambes, le tablier de cuir noué autour de son corps. Depuis quelques années, il élevait un coq appelé Ferdinand, sans que personne eût jamais su le motif de ce surnom. Cette bête errait parmi les cuirs, excitant l’admiration des visiteurs par son avidité à happer des boutons de bottine. Dans ses moments de terreur, ce coq familier se réfugiait