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LE DISCIPLE

fois étonné, presque gêné Robert Greslou, par leur ressemblance avec ceux d’un oiseau de proie, ne lançaient plus ce regard fier qui va droit sur l’objet, si l’on peut dire, et qui s’en empare. Non, il y avait dans ces prunelles une espèce d’inexplicable reploiement de l’être, presque une honte, comme une peur de montrer la souffrance intime. Enfin c’étaient les yeux d’un homme que l’idée fixe obsède et que l’aiguillon d’une peine intolérable louche sans cesse à la fibre la plus sensible de son âme. Cette peine datait du jour où il avait reçu la terrible lettre par laquelle sa sœur lui révélait son projet de suicide. Une dépêche lui était arrivée presque en même temps, annonçant la mort de Charlotte, et il avait pris le train pour l’Auvergne, précipitamment, sans savoir de quelle manière il apprendrait à son père l’affreuse vérité, mais décidé à tirer de Greslou une juste vengeance. Et le marquis l’avait accueilli par ces mots :

— « Tu as reçu ma seconde dépêche ?… Nous le tenons, l’assassin… »

Le comte n’avait rien dit, comprenant que c’était entre son père et lui un malentendu. Le marquis avait précisé en racontant les soupçons qui pesaient sur le précepteur, et que ce garçon allait être arrêté comme meurtrier. Tout de suite cette idée s’était imposée au frère affolé de douleur : la destinée lui offrait cette vengeance, objet