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LE DISCIPLE

grossière et dégradée des lois invisibles. Peut-être M. Sixte avait-il aimé sa mère. À coup sûr, là s’était bornée son existence sentimentale. S’il était doux et indulgent pour tous les hommes, c’était par le même instinct qui lui faisait, lorsqu’il déplaçait une chaise dans son bureau, prendre ce meuble sans violence. Mais il n’avait jamais éprouvé le besoin d’avoir auprès de lui une chaude et ardente tendresse, une famille, un dévouement, un amour, pas même une amitié. Les quelques savants avec lesquels il était lié lui représentaient des conversations professionnelles, celui-ci sur la chimie, cet autre sur les hautes mathématiques, un troisième sur les maladies du système nerveux. Que ces gens-là fussent mariés, occupés d’élever leurs enfants, soucieux de se pousser dans une carrière, il n’en tenait aucun compte dans ses rapports avec eux. Et si bizarre que doive paraître une telle conclusion après une telle esquisse, il était heureux.

Un pareil homme, un pareil intérieur et une pareille vie étant donnés, que l’on imagine l’effet produit dans ce cabinet de travail de la rue Guy-de-la-Brosse par ces deux faits survenus coup sur coup dans un même après-midi : d’abord une cédule de citation adressée à M. Adrien Sixte, pour qu’il eût à comparaître au cabinet de M. Valette, juge d’instruction, afin d’être interrogé, suivant la formule, « sur les faits et circonstances