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LE DISCIPLE

tice peut vouloir à ce pauvre M. Sixte, qu’il est là qui dévale à cette heure-ci comme un abohifou… »

— « Tiens, M. Sixte a changé son heure de promenade, » disait à sa mère la jeune fille, assise au comptoir dans la boutique de la boulangerie. « Il paraît qu’il va avoir un procès pour un héritage ? »

— « Pige-moi donc le père Sixte ; se défile-t-il, ce zèbre-là !… Il paraît que la justice le chicane, » racontait à son camarade un des deux élèves en pharmacie. « Ces vieux, ça n’a l’air de rien, et puis on découvre des tas d’histoires malpropres dans des coins… Au fond, c’est tous des canailles… »

— « Il est encore plus ours que d’habitude. Il ne nous saluera seulement pas. » C’était la femme du professeur au Collège de France établi dans la même maison que le célèbre philosophe et qui se croisait avec lui. « Tant mieux, d’ailleurs ; on prétend qu’on va poursuivre ses livres. Ce n’est pas dommage… »

Et voilà comment les plus modestes des hommes, et qui se croient les plus ignorés, ne peuvent bouger sans encourir les commentaires lancés par d’innombrables bouches, du moment qu’ils habitent ce que l’on est convenu d’appeler à Paris un quartier paisible. Ajoutons que M. Sixte se fût soucié de cette curiosité, s’il l’eût soupçon-