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LE DISCIPLE

— « Celle d’un jeune homme admirablement doué pour les travaux psychologiques… » répliqua le philosophe en pesant ses mots. Le juge put sentir à cet accent la conscience de quelqu’un qui veut voir et dire la vérité. « Si bien doué que je fus presque effrayé de cette précocité. »

— « Il ne vous a pas entretenu de sa vie privée ? »

— « Fort peu, » dit le philosophe ; « il m’a seulement raconté qu’il vivait avec sa mère, et que son intention était de faire sa carrière dans le professorat, en même temps qu’il travaillerait à quelques livres. »

— « En effet, » reprit le juge, « c’était un des articles inscrits dans une espèce de programme d’existence que l’on a trouvé dans les papiers du prévenu, parmi ceux qui restent. — Car, et c’est là encore une des charges qui pèsent sur lui, entre son premier interrogatoire et son arrestation, il en a détruit le plus grand nombre. — Pourriez-vous, » ajouta-t-il, « donner quelques explications sur une des phrases de ce programme, assez obscure pour les profanes qui ne sont plus au courant de la philosophie moderne ? Voici cette phrase… » et, prenant une feuille entre les autres : « Multiplier le plus possible les expériences psychologiques… Que pensez-vous que Robert Greslou entendît par là ? »

— « Je suis très embarrassé de vous répondre,