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LE DISCIPLE

de mes livres, ce n’est rien encore, mais la psychologie ? La psychologie !… C’est pourtant la science d’où dépend l’avenir de ce pays-ci… » Comme on voit, le philosophe était arrivé, semblable sur ce point aux autres systématiques, à faire de ses doctrines le centre du monde. Il raisonnait à peu près ainsi : Étant donné un fait historique, quelle en est la cause principale ? Un état général des esprits. Cet état des esprits dérive lui-même des idées en cours. La Révolution française, par exemple, procède tout entière d’une conception fausse de l’homme qui découle de la philosophie cartésienne. Il en concluait que, pour modifier la marche des événements, il fallait d’abord modifier les notions reçues sur l’âme humaine, et installer à leur place des données précises d’où résulteraient une éducation et une politique nouvelles. Le plus curieux était que cette théorie avait fait de cet athée un monarchiste aussi passionné qu’un Bonald ou un Joseph de Maistre. Aussi, en s’indignant contre Dumoulin, croyait-il de bonne foi s’indigner contre un obstacle au bien public. Il eut quelques mauvaises minutes à se figurer ainsi cet adversaire détesté prenant texte de la mort de Mlle de Jussat pour une vigoureuse sortie contre la science moderne de l’esprit. « Faudra-t-il lui répondre encore ? » se demanda Sixte, pour qui déjà l’attaque de son rival ne faisait plus doute