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LE DISCIPLE

qu’ils racontent ? C’est une infamie : n’est-ce pas, monsieur, que c’est une infamie ?… »

— « Calmez-vous, madame, calmez-vous. » C’étaient les seuls mots qu’Adrien Sixte sût répondre à cette mère qui déplorait devant lui, d’un accent si déchirant, la ruine de ses plus intimes espérances. D’autre part, placé encore sous l’impression de son entretien avec le juge, elle lui paraissait si follement égarée hors de la vérité, en proie à des illusions si aveugles qu’il en demeurait stupéfié ; et aussi, — pourquoi ne pas l’avouer ? — la nouvelle perspective du voyage à Riom l’épouvantait autant que cette douleur humaine le saisissait. Ces diverses impressions se traduisirent dans son regard par une incertitude, une absence de chaleur à laquelle la mère ne se trompa guère. Les souffrances extrêmes ont les intuitions infaillibles de l’instinct. Cette femme comprit que le philosophe ne croyait pas à l’innocence de son fils, et, dans un geste d’accablement, se reculant de lui comme avec horreur, elle gémit :

— « Comment, vous aussi, monsieur ?… Vous êtes avec ses ennemis ?… Vous ?… Vous ?… »

— « Non, madame, » répondit doucement Adrien Sixte, « je ne suis pas un ennemi. Je ne demande pas mieux que de croire ce que vous croyez. Mais vous me permettrez de vous parler en toute franchise ?… Les faits sont les faits, et