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LE DISCIPLE

devant toi. Il faut que tout cela vive ou que tu meures. »

De cette génération dont je suis, et que soulevait ce noble espoir de refaire la France, je ne peux pas dire qu’elle ait réussi, ni même qu’elle ait été assez uniquement préoccupée de son œuvre. Ce que je sais, c’est qu’elle a beaucoup travaillé, — oui, beaucoup. Sans trop de méthode, hélas ! mais avec une application continue et qui me touche quand je songe au peu qu’ont fait pour elle les hommes au pouvoir, combien nous avons tous été abandonnés à nous-mêmes, l’indifférence où nous ont tenus les malheureux qui dirigeaient les affaires et à qui jamais l’idée n’est venue de nous encourager, de nous appuyer, de nous diriger. Ah ! la brave classe moyenne, la solide et vaillante Bourgeoisie, que possède encore la France ! Qu’elle a fourni, depuis ces vingt ans, d’officiers laborieux, cette bourgeoisie, d’agents diplomatiques habiles et tenaces, de professeurs excellents, d’artistes intègres ! J’entends dire parfois : « Quelle vitalité dans ce pays ! Il continue d’aller, là où un autre mourrait… » Hé bien ! s’il va, en effet, depuis vingt ans, c’est d’abord par la bonne volonté de cette jeune bourgeoisie qui a tout accepté pour servir le pays. Elle a vu d’ignobles maîtres d’un jour proscrire au nom de la liberté ses plus chères croyances, des politiciens abominables jouer du suffrage universel comme d’un instrument de règne, et installer leur médiocrité menteuse dans les plus hautes places. Elle l’a subi, ce