Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/122

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doutait pas, elle non plus, qu’au même moment Agathe recevait des coups pareils, et de quelle main ! Elle en eût frémi d’épouvante jusque dans ses moelles. Mme de Méris avait fait comme elle avait dit. Elle avait quitté la place presque aussitôt la visiteuse entrée, non sans avoir échangé avec elle toutes les chatteries de deux femmes de la même société qui se sont vues la veille, qui se reverront demain et qui se câlinent l’une l’autre en se déchirant. D’ordinaire Agathe n’attachait pas à ces petites simagrées de salon plus d’importance qu’elles ne méritent. Mais quand on vient de traverser certains soupçons, on supporte plus difficilement la fausseté de ces protestations pourtant très banales et au fond inoffensives, derrière lesquelles s’abritent les perfidies de société. L’évidence que, sous les caressants papotages de deux amies qui se sourient tendrement, se cachent de jolies petites haines toutes prêtes à griffer et à mordre – cette évidence dont on sourit comme d’une chose plutôt divertissante, aux heures d’indulgente observation, – apparaît soudain comme une chose affreuse, si un petit indice vous a dénoncé à l’improviste une trahison dans un être aimé. L’idée d’un universel mensonge autour de votre aveuglement vous fait frémir. C’était cette impression qu’éprouvait Agathe, sans se rendre encore bien compte du motif, en descendant l’escalier de l’hôtel de sa sœur.