Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/124

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croire à une sœur pour qui l’on a toujours été parfaitement bonne, ce serait trop dur… Non, Ce n’est pas… Non. Non. »

Elle s’était surprise à prononcer de nouveau cette formule de dénégation à voix haute, tout en s’installant dans l’automobile électrique qui lui servait à Paris pour ses courses, et qu’elle avait laissée à la porte des Liébaut. Elle avait donné au mécanicien l’adresse d’une de ses amies dont c’était le jour. Au lieu de descendre, quand la voiture s’arrêta, elle jeta une nouvelle adresse à l’homme, celle d’un magasin situé à une autre extrémité de Paris, où elle n’avait aucune espèce de besoin de se rendre. La perspective de se mêler à une causerie d’indifférents lui avait paru insupportable. Son coupé allait, glissant d’un mouvement rapide et sans secousse, dans le crépuscule commençant de cette fin d’après-midi de l’automne. Un brouillard s’était levé, presque jaunâtre, que les lanternes des voitures trouaient de leurs feux, fantastiquement, et en dépit du « non » prononcé tout à l’heure avec tant d’énergie, Agathe de Méris se posait de nouveau la question qui avait surgi devant sa pensée, cet : « Est-ce que ?… » énigmatique, qui enveloppait de trop douloureuses hypothèses. Elle osait maintenant les regarder en face et aller jusqu’au bout de leur logique : – « Est-ce que Madeleine aimerait