Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/144

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continua : » Vous avez raison, il vaut mieux pour tout le monde que toutes les équivoques soient dissipées. Elles le seront… Hé bien ! Oui, François, j’aime M. Brissonnet. Je n’ai en effet aucun motif pour me cacher d’un sentiment que j’ai le droit d’avoir, et qui ne prend rien à personne. Quant à ses sentiments pour moi, je ne peux pas vous le dire, parce qu’il ne me les a pas dits et que je ne les connais pas. Vous prétendez que l’on voit toujours si l’on est aimé, quand on aime. Ce n’est pas vrai, et cette incertitude est un martyre bien douloureux aussi par instants ! C’est le mien… Cet aveu est trop humiliant pour ne pas vous prouver que je vous ai répondu avec une absolue franchise. À vous de n’être pas moins franc avec moi, maintenant, en échange. Vous me devez de me faire connaître toute votre pensée, entendez-vous, toute. Vous avez pénétré le secret de mes sentiments pour M. Brissonnet. Certains indices vous ont fait croire qu’il y répondait. D’autres vous ont fait croire autre chose, puisque le nom de Madeleine vous est venu aux lèvres après le mien. Quels indices et quelle autre chose ? Achevez… »

– « Ah ! » s’écria François Liébaut avec accablement. « C’est à mon tour de ne plus comprendre, de ne plus savoir. J’étais si sûr que votre réponse me donnerait une évidence, une clarté. Et c’est le contraire. Les choses m’apparaissent comme si vagues, comme si incertaines à cette