Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/157

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Chaque fois il s’était posé cette question : « Oui, elle m’aime, mais comment ?… » Et il avait entrevu, derrière cette attitude si touchante, ce qui était, hélas ! la vérité : le parti pris de l’épouse qui se sait irréprochable, et qui témoigne une affection d’autant plus prévenante à son mari qu’elle ne se pardonne pas de sentir son cœur dominé par un autre. Une telle tendresse peut bien être très sincère. Cette épouse peut avoir pour ce mari une amitié réelle. Tant de souvenirs communs, une si ancienne accoutumance, l’estime, la sympathie, leurs enfants l’attachent à lui ! Ce sont des liens, d’imbrisables et chers liens. Ce n’est pas l’amour, et pour un homme fier et passionnément épris, comme était François Liébaut, quelle amertume de constater une pareille dualité de vie intérieure chez celle qui porte son nom ! Avec quels mots pourtant traduire une plainte qui n’a pas un fait auquel se prendre ? Et d’autre part, devant des gestes et des paroles de sollicitude, – comme celles que venait de prononcer Madeleine, – le moyen de ne pas se demander si l’on ne se trompe pas ? Il y avait aussi dans cet empressement de la femme du médecin une perspicacité qui la rendait plus émouvante pour lui. C’était vrai qu’il se sentait souvent très las ! Ce témoignage d’un intérêt si constant lui donna une recrudescence de remords pour l’entretien qu’il venait d’avoir et pour le dessein qu’il en rapportait. Il répondit :