Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/181

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mélancolies, que les diagnostics moraux sont plus malaisés à porter que les autres. Il ne se doutait pas que chaque protestation de son retour à la confiance meurtrissait cette âme de femme à une autre place. Les natures vraiment profondes et délicates, comme était Madeleine, ne se plaisent à elles-mêmes que si elles sont dans la vérité complète, non seulement de leurs devoirs, mais de leurs sentiments. S’il arrive qu’un conflit entre ce devoir et ces sentiments les oblige à sacrifier ceux-ci, elles n’hésitent pas à faire cette immolation dans leurs actes. L’épreuve la plus dure pour elles est de mentir sur l’état de leur cœur. Elles ont beau s’affirmer, comme dans ce cas, que de montrer la souffrance de leur martyre serait en détruire l’effet, elles ne peuvent s’empêcher de subir une sorte d’obscur remords, quand elles ont réussi à donner le change sur leurs émotions les plus secrètes. Le scrupule les saisit. L’insincérité, qu’elles savent pourtant si nécessaire, trouble leur conscience. Elles s’accusent d’être hypocrites, et elles n’ont même pas, pour récompense d’un effort où leur être se brise, cette satisfaction morale que leur dévouement semble mériter. Et voici qu’une tentation l’envahissait, celle d’être vraie à l’égard de quelqu’un, que son sacrifice fût connu, du moins qu’il fût plaint. – Par qui ? Par celui-là même qui le partagerait. Que de femmes intimement,