Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/192

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(le naïf médecin avait souligné ce mot en le répétant). « J’y insiste, il faut que vous effaciez de votre esprit toutes les idées que vous vous étiez faites à cause de ma folle imagination. J’espère d’ailleurs que vous aurez une bonne nouvelle, dès cette après-midi. M. doit toujours voir qui vous savez. Si vous venez vous-même vers trois heures, vous aurez sans doute la réponse. Si elle est telle que vous la désirez, personne ne sera plus heureux qu’elle et que votre frère dévoué. » Lettre presque implorative dont la signature : un François Liébaut tout tremblé – attestait davantage encore la crise de faiblesse dans laquelle ces lignes avaient été tracées ! Elles ne contenaient pas une phrase dont tous les mots ne dussent être, pour une femme du caractère d’Agathe et dans sa situation d’esprit, une preuve de plus qu’elle y avait vu juste et que sa rivale avait eu, une fois encore, l’art de jouer une comédie.

– « Il n’a pas osé venir me raconter cela en face… » se dit-elle, après avoir lu ce peu courageux message. Elle froissa le papier, avec une espèce de rancune sauvage, et sa déception se soulagea en criant tout haut : « Ah ! le lâche ! le lâche ! » Elle avait passé la nuit à se demander si son beau-frère aurait l’énergie de tenir sa promesse. Au dernier moment, ne reculerait-il pas ? Les scrupules de sa faiblesse qu’il prendrait pour des reproches de sa conscience ne prévaudraient-ils