Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/194

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lâche !… » Une pensée qui touchait dans son cœur une fibre plus profonde que celle de l’amour-propre la traversait de sa pointe brûlante : « Madeleine aime Brissonnet. C’est la chose sûre, celle dont je ne peux plus douter, et qui explique tout. Elle a trouvé le moyen d’abuser son mari. Le malheureux ne sera pas là tout à l’heure, quand l’autre arrivera au rendez-vous. Madeleine et Louis seront seuls… » Cette possibilité d’un tête-à-tête entre Mme Liébaut et le commandant n’était pas un fait d’ordre nouveau. L’idée en fut soudain aussi insupportable à la sœur jalouse que si ce tête-à-tête eût dû avoir lieu pour la première fois. Le caractère de sa cadette, lui non plus, n’était pas pour l’aînée une nouveauté. Elle le connaissait, elle aurait dû plutôt le connaître assez pour ne jamais accuser Madeleine d’une abominable scélératesse. Et elle entrevoyait comme probable, comme indiscutable, cette sinistre histoire : Madeleine prenant à Ragatz Louis Brissonnet comme amant, et, pour assurer la sécurité de cette intrigue, faisant jouer à sa sœur le rôle de paravent. Hypothèse affreusement et gratuitement inique, et folle, avec cela ! D’où fussent venues, à une maîtresse heureuse, ces troubles profonds dont les retentissements avaient ébranlé la santé de Mme Liébaut au point de donner l’éveil au mari ?… Mais Agathe ne raisonnait plus… Elle avait repris la lettre de son