Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/207

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– « Vous ai-je bien entendu, madame ? » dit Brissonnet. « Non, ce n’est pas possible que vous vous soyez prêtée à une pareille trahison, car c’en est une que de faire espionner quelqu’un qui, lui, était d’entière bonne foi. C’est une trahison que… »


– « Je vous ai prié tout à l’heure de vous retirer, monsieur Brissonnet, » interrompit la courageuse femme. « À présent je vous l’ordonne… Je suis chez moi et je vous dispense, vous qui venez de me parler indignement, de qualifier une action dont ma conscience est seule juge… »

– « Madeleine… » implora de son côté Agathe. Sa sœur lui avait saisi la main pour l’arrêter, avec une violence qui lui coupa la parole pendant un instant bien court. Il suffit pour que l’officier, qui avait pâli sous l’outrage d’une manière affreuse, avisât son chapeau, et, se dirigeant vers la porte, il se retira en effet, en s’inclinant profondément du côté des deux femmes. Quelques minutes plus tard, le bruit du battant d’en bas, ouvert puis refermé, attesta qu’il avait obéi à l’insultante injonction, et voici que devant le sacrifice accompli, le cœur de Madeleine se brisait de désespoir, et elle sanglotait :

– « Il est parti !… Je ne le reverrai plus jamais !… Je l’ai voulu … Jamais ! Jamais ! »

– « C’est donc vrai que tu l’aimes aussi ? » demanda Mme de Méris.