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3o La raison qu’en apporte Son Éminence est que les Catholiques étant en nombre assez inférieur aux Protestants constitueront toujours une petite partie de la Représentation politique au Parlement Fédéral.

Il est vrai que, dans le Parlement Fédéral, les Catholiques sont en minorité. Mais c’est précisément pour cette raison que les élections doivent se faire avec plus d’intelligence, pour que cette minorité soit composée de Députés capables de faire honneur à la religion et au pays, par leur entière indépendance, leurs bons principes et leur parfaite intégrité, pour ne pas se laisser séduire et corrompre.

Car, dans nos Gouvernements Constitutionnels, les minorités, quand elles se composent d’hommes vraiment honorables, ne manquent pas de se faire respecter et de revendiquer avec avantage leurs droits et privilèges. Ce n’est ordinairement qu’après plusieurs années de luttes que ces minorités acquièrent une telle importance qu’il faut compter avec elles. Tout le monde connait que ce fut après avoir longtemps combattu, dans la minorité, que le fameux O’Connell obtint l’émancipation catholique. Dans combien de circonstances, la majorité n’a-t-elle pas fini par céder à la minorité ? La hiérarchie catholique en Angleterre, quoique combattue par la majorité du Parlement Britannique, a pleinement triomphé par la fermeté et la patience du St. Siège.

Les députés de la province de Québec au Parlement Fédéral, quand ils sont dûment qualifiés, peuvent, quoiqu’en petit nombre, exercer une grande influence sur les affaires publiques. Car ils se trouvent placés au milieu de la Confédération et en rapports avec des députés qui ont des intérêts différents. Ils peuvent donc faire pencher la balance, tantôt pour les uns tantôt pour les autres. Car le parti catholique étant important, on tient à le ménager ; ce qui lui fait exercer une grande influence.

C’est ainsi que, dans notre pays, les écoles séparées ont été obtenues par l’influence catholique pour le Haut-Canada ; et il en sera de même un jour du Nouveau-Brunswick, il faut l’espérer. Il se fait, dans presque toutes les sessions du Parlement, des concessions et démonstrations qui ne sont dues qu’à l’influence catholique. De même, quoique le divorce soit en principe permis dans le Code Civil, cependant il n’a pas encore été possible de créer des cours pour juger ces sortes de causes. Il est bien à croire que c’est par respect pour le catholicisme que le protestantisme n’en est pas encore venu là, dans ce pays.

Maintenant, il n’y a pas à douter que si les élections n’étaient pas dirigées avec sagesse et énergie, cette minorité ne se composerait guères que de gens mal disposés ou insignifiants ; ce qui mettrait le parti catholique en discrédit, dans le Parlement Fédéral. Il faut donc de toute nécessité travailler fortement à bien composer, par de bonnes élections, cette minorité catholique, pour qu’étant forte et vraiment honorable, elle puisse faire respecter la religion et réclamer ses droits, chaque fois que l’occasion s’en présente. Autrement, ce serait un vrai déshonneur pour elle, si, quand elle est insultée et foulée aux pieds, il ne se trouvait personne pour en prendre la défense avec succès. L’intervention du Clergé, dans les élections, quand elle s’exerce avec prudence, peut donc servir très-utilement la religion. La conséquence toute naturelle est que ses ennemis n’en veulent pas et emploient des moyens insidieux, pour l’empêcher.

4o Quoique la haute autorité des remontrances susdites, ajoute Son Éminence, et les nombreux