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Plus tard, dans l’assemblée des Évêques où il fut question de faire la liste des trois sujets qui devaient être présentés au St. Siège, le soussigné croit avoir, par son suffrage, fait pencher la balance en faveur du sujet qui a été choisi pour succéder à Mgr Baillargeon. Il espère n’avoir pas manqué, depuis qu’il est son Métropolitain, aux justes égards dûs à sa qualité de Chef de la Province, en autant que cela pouvait s’accorder avec les devoirs qu’il avait à remplir envers son diocèse.

La démarche, qu’il fait aujourd’hui, ne peut donc être attribuée à aucun sentiment d’opposition personnelle, mais uniquement au désir de contribuer au bien général de la Province, en prévenant les maux déplorables qui peuvent résulter de la question maintenant pendante à Rome et de l’issue finale que ne manquera pas de lui donner le rapport de l’Archevêque.

Voici maintenant les faits, qui, dans l’humble opinion du soussigné, pourraient faire croire que l’Archevêque n’a pas toute la sagesse qui captive la confiance publique et ne permet pas de révoquer en doute la justice de ses appréciations, la pureté de ses intentions, et l’indépendance de ses actes, qu’aucune considération humaine ne saurait contrôler.

1o L’Archevêque, après avoir fait, en qualité de député apostolique, une enquête sur les opérations de l’Évêque de Montréal, concernant le démembrement de la paroisse de Notre-Dame, dressa son rapport et l’envoya à Rome, sans en dire un seul mot à son suffragant, qui aurait pu avoir des observations à faire et des explications à donner, quoique les parties intéressées eussent été entendues et confrontées. Car enfin, quoique député Apostolique, il pouvait avoir été mal impressionné et donner en conséquence un rapport contraire au droit et à la justice, que l’on attendait du St. Siège, par son ministère.

2o En transmettant ainsi son rapport, à la S. Congrégation, sans en rien dire au soussigné, l’Archevêque commit entr’autres, une grave erreur, qu’il aurait certainement évitée, en usant de plus de sagesse et de prudence. Car il y déclarait que les paroisses canoniques, érigées par l’Évêque de Montréal, en vertu du décret Apostolique du 22 décembre 1865, ne pouvaient être reconnues et maintenues par le Gouvernement, ce qui les exposait à de graves inconvénients, à celui surtout de ne pouvoir obtenir de lui des registres civils, pour l’enregistrement des actes de baptêmes, mariages et sépultures.

Sur ce rapport de l’Archevêque, la S. Congrégation émit un décret, en date du 30 Juillet, 1872, déclarant qu’à l’avenir, toutes ces paroisses canoniques, érigées par l’Évêque, dans la ville et banlieue de Montréal, seraient réduites au rang de succursales. Par ce décret, l’Évêque se trouvait grandement compromis aux yeux de tout le diocèse, comme ayant manqué aux règles canoniques et civiles dans la formation des dites paroisses canoniques. Par contrecoup, le Séminaire qui lui avait fait une opposition forte et constante, triomphait. Par une conséquence nécessaire, enfin, l’autorité épiscopale se trouvait gravement compromise aux yeux des protestants, comme des catholiques. Ce fait vraiment regrettable avait d’autant plus de retentissement que la réception faite à l’Archevêque avait été plus éclatante et publique. C’était une vraie ovation.

Ce rapport devait donc avoir un résultat malheureux, celui de mettre un obstacle presqu’insurmontable au bien que l’Évêque avait à opérer, dans sa ville épiscopale, en y multipliant les Églises paroissiales, pour y multiplier les secours religieux, dont cette grande ville avait un si pressant besoin et dont la nécessité avait été reconnue par le St. Siège.