Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/149

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rare et noble beauté, qu’il n’en aurait pas rêvé un autre que celui où la jeune femme lui apparaissait pour la seconde fois. Elle était assise et en train d’écrire, à la lueur d’une lampe que voilait un abat-jour de dentelle. Autour du bureau verdoyait un lierre planté dans une jardinière basse, et qui enlaçait son feuillage à un treillis doré. Il y avait dans ce petit salon la profusion de bibelots et d’étoffes nécessaire à toute installation moderne. L’inévitable chaise longue, garnie de ses coussins, la mignonne vitrine encombrée de ses japonaiseries, les photographies dans leurs cadres filigranés d’argent, les trois ou quatre tableaux de genre, les boîtes de laque et les saxes sur la petite table garnie de son tapis de soie ancienne, les fleurs éparses de-ci de-là, — qui ne connaît ce décor, d’un raffinement si habituel dans le Paris contemporain, qu’il en est devenu banal ? Mais René n’avait jamais vu le monde qu’à travers les romans d’écrivains d’il y a cinquante ans, comme Balzac, ou d’auteurs plus modernes qui ne sont jamais allés dans un salon, et l’ensemble de cette pièce, tout entière harmonisée dans la demi-teinte, était, pour lui, comme la révélation d’une délicatesse personnelle à la femme qui avait présidé à cet arrangement. Le charme de cette minute fut d’autant plus irrésistible que la madone de ce