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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/22

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de livres, le rouge du carrelage apparu comme un encadrement au tapis du milieu, — combien Claude avait aimé ce décor intime, et sur la porte cette phrase de l’Imitation écrite enfantinement par René : Cella continuata dulcescit ! L’évocation de ces images modifia soudain la pensée de l’écrivain, qui se sentit, d’ironique, devenir triste, à l’idée qu’en effet cette entrée dans le monde par la porte du salon Komof était un gros événement pour un enfant de vingt-cinq ans et qui avait toujours vécu là. Quelle âme nourrie d’idéal il allait apporter dans cette société de luxe et d’artifice, recrutée par la comtesse !

— « Jamais de mon avis, » se dit-il, tiré de sa rêverie par le grincement du pêne sur la serrure, et poussant la grille… « Puisque c’est moi qui lui ai conseillé de sortir, qui l’ai habillé pour ce soir. » — Il avait en effet conduit René chez son tailleur, son chemisier, son bottier, son chapelier, afin de procéder à ce qu’il appelait plaisamment son investiture…— « Il fallait penser auparavant aux dangers de cette rencontre avec le monde… Et quel triste don de prévoir le pire ! On le présentera à quatre ou cinq femmes, il sera invité à dîner deux ou trois fois, il oubliera de mettre des cartes, il oubliera… et on l’oubliera… »