Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/253

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— « Dites-moi seulement que vous me pardonnez…. »

— « Oui, je vous pardonne, » répondit-elle en pressant sa main à lui faire mal, puis, d’une voix grave : « Je sens que je vous aime aussi… » Et, comme réveillée d’un songe : « Adieu, je vous défends de me suivre. C’est la dernière fois que nous nous serons parlé… »

Elle se leva. Son front était menaçant, ses regards trahissaient tous les effarouchements de l’honneur révolté. Il ne s’agissait plus du pied tourné sur le parquet glissant, ni de lassitude. Elle partit tout droit devant elle, et d’un air si courroucé que le jeune homme, écrasé par la scène qu’il venait d’affronter, la vit s’en aller, immobile, sans rien faire pour la retenir. Elle avait disparu depuis plusieurs minutes, lorsqu’il s’élança du côté par où elle s’était échappée. Il ne la trouva point. Tandis qu’il descendait un escalier, puis un autre, elle avait déjà traversé la cour carrée, et elle montait dans un fiacre qui l’emportait vers la rue Murillo. Elle était, dans ce coin de voiture, à la fois toute malicieuse et tout attendrie. Pendant le temps que René emploierait à chercher les moyens de la faire revenir sur sa résolution de rupture absolue, il ne réfléchirait pas à la rapidité avec laquelle sa pseudo-madone s’était laissé faire et