Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/261

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seule épreuve. Cette demande est si humble, si résignée à vos ordres. Ah ! Écoutez-la ! Si j’ai deviné juste à travers les conversations trop courtes, trop rapides qu’il m’a été donné d’avoir avec vous, votre vie, sous son apparence comblée, est déshéritée de bien des choses. N’avez-vous jamais éprouvé le besoin auprès de vous d’un ami à qui vous pourriez tout dire de vos peines, d’un ami qui ne vous parlerait plus comme il a osé le faire une fois, mais qui serait là, heureux de respirer dans votre air, content de votre joie, triste de vos tristesses, un ami sur qui vous compteriez, que vous prendriez, que vous laisseriez, sans qu’il se plaignît ; un être à vous enfin, et dont toutes les pensées vous appartiendraient ? Cet ami sans espérance criminelle, sans désir que de se dévouer, sans regrets que de ne pas vous avoir toujours servie, c’est cela que je rêvais de devenir avant cette entrevue où l’émotion a été plus forte que ma volonté. Et je sens que je vous aime assez pour réaliser ce rêve, encore maintenant. Non ! ne secouez pas votre tête. Je suis sincère dans ma supplication, sincère dans ma volonté de ne plus jamais prononcer un mot qui vous force à vous repentir de votre indulgence, si vous m’accordez d’essayer seulement cette épreuve. Mais ne serez-vous pas toujours à temps de me rejeter loin de vous, le