Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/277

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légèreté de main ! … Comme tu as eu raison de t’adresser à moi ! … Nous autres femmes, nous savons l’art de tout dire… Et puis, c’est vrai, la loyauté t’oblige à faire cesser une situation trop fausse… » Et elle ajouta : « Le plus tôt vaudra le mieux ; j’irai rue de Bagneux dès cette après-midi ; je la trouverai seule, ou bien je lui demanderai un rendez-vous. »

Malgré la confiance qu’elle avait témoignée dans sa propre habileté, la jeune femme sentait si bien, à la réflexion, les difficultés de son ambassade, qu’elle laissa voir, au déjeuner, un visage soucieux dont s’inquiéta naïvement son mari et que René dut regarder avec remords. N’y avait-il pas, dans le fait d’employer ainsi une tierce personne, pour apprendre la vérité à Rosalie, quelque chose de particulièrement cruel envers la pauvre enfant, une humiliation ajoutée à l’inévitable douleur ? Quand sa sœur vint lui dire adieu, tout habillée, avant de se rendre chez les dames Offarel, il fut sur le point d’empêcher cette visite. Il en était temps encore… Puis il la laissa partir. Il entendit la porte se fermer. Émilie était dans l’allée, elle prenait la rue d’Assas, celle du Cherche-Midi. Mais l’accès de rêverie triste qui avait envahi le poète ne tint pas contre la pensée de l’arrivée du prochain courrier. Suzanne avait certainement reçu sa