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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/31

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la poussière, avaient fini par être exilés même du couloir dans un cabinet obscur, et ce couloir abandonné aux fantaisies décoratives de René, qui en avait garni les murs avec des gravures de son choix. C’était toute une suite des admirables lithographies de Raffet sur le grand Empereur, qui avaient dû révolter le républicain Fresneau. Mais Claude savait aussi que Fresneau serait précisément le dernier à s’étonner du constant sacrifice de toute la maisonnée à ce frère, dont il avait fait son Dieu, par tendresse pour Émilie, comme la servante, comme l’oncle lui-même. Car l’abbé Taconet avait subi lui aussi l’ascendant de la nature et du talent du jeune homme. Il s’était dit que son neveu possédait de petites rentes, qu’à l’heure actuelle la modeste somme placée sur ses conseils en Italiens rapportait trois mille francs, qu’il laisserait lui-même une fortune analogue. L’éducation chrétienne de René n’était-elle pas une garantie que son talent d’écrire serait mis au service des idées de l’Église ? Et le prêtre avait contribué pour sa part à pousser le poète dans ce difficile chemin de la littérature où cet enfant privilégié n’avait rencontré jusqu’ici que du bonheur. Et tout ce bonheur, composé de pur dévouement, de tendre affection, de gâteries familiales, de tiède, de réchauffante confiance, Claude en comprenait le