Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/337

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Psyché asservie, torturée par les sens ? Que je l’ai aimée dès ce premier soir et qu’elle m’a aimé ! Elle ne se disputa pas et je l’avais à moi ce soir même. C’était la seconde fois que nous nous rencontrions. Comprenez-vous cela, que j’aie été assez fou pour espérer une fidélité quelconque d’une fille qui s’était ainsi jetée à ma tête ? …— « Montez-vous dans ma loge ? » me dit-elle, quand je reparus dans les coulisses, et nous y montâmes. Nous n’y étions pas depuis un quart d’heure qu’elle pressait ses lèvres sur les miennes, avec cet égarement presque douloureux que je lui ai toujours vu dans le plaisir : — « Ah ! » me dit-elle, « voilà une heure que j’en ai trop envie ! … » Insensé, il fallait la prendre comme elle se donnait, pour une admirable courtisane, folle de son corps, — et du mien, par bonheur, et me souvenir que les femmes sont avec les autres exactement les mêmes qu’avec nous… Au lieu que…

Quittons ce chemin, mon bon René, j’aperçois le poteau indicateur sur lequel il y a écrit « route cavalière du désespoir, » comme au tournant des allées de cette forêt de Fontainebleau où je l’ai tant aimée, un matin d’été que nous nous y promenions, allant de Moret à Marlotte dans une petite carriole attelée d’un cheval noir nommé Cerbère. Je crois le voir, ce cheval, avec la queue de renard qui lui battait le front, et ma Colette