Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/350

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

intime, que cette phrase. Cet ami la répéterait certainement à l’amant jaloux. C’était comme si elle eût crié, par delà l’espace, à cet homme qu’elle n’oubliait pas, malgré sa fuite et ses affronts : « Tu n’es pas là, et je m’amuse précisément de la manière qui peut le plus te faire souffrir. » Elle échangea quelques mots encore avec les autres visiteurs, recommandant à celui-ci un pauvre diable à qui elle s’intéressait, insistant auprès d’un autre pour un article de réclame à publier dans un journal, revenant à Salvaney pour l’interroger sur les chances de la prochaine course, jusqu’à ce qu’enfin, ses mains essuyées, elle se releva et elle dit :

« Et maintenant, mes petits amis, vous êtes bien gentils, mais… » et elle leur montra la porte, « je vais m’habiller et il faut me laisser… Non, pas vous, » continua-t-elle en s’adressant à René, sans prendre la peine de se cacher des autres, « j’ai deux mots à vous dire… » Et, dès qu’ils furent seuls, elle reprit, assise devant sa glace, de nouveau, et travaillant ses yeux avec un crayon : « Vous avez lu l’infamie de Claude ? »

— « Non, » fit René, « mais j’ai reçu une lettre de lui : il est le plus malheureux des hommes… »

— « Ah ! Vous ne l’avez pas lue ! » interrompit Colette. « Hé bien ! lisez-la : vous verrez