Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/354

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dîner. Vous y croyez donc encore, vous, aux femmes du monde ! … Et puis vous savez, » continua-t-elle en se levant et s’avançant vers René avec fureur, et l’arrière-fond populaire de sa nature se révéla dans le tour de tête qu’elle eut pour jeter ces mots en clignant ses yeux, « vous savez, si ça vous ennuie que je vous aie dit qu’elle était votre maîtresse et celle de Desforges, allez en demander raison à Claude. Ça lui fournira de la copie, à ce joli monsieur… Ah ! Vous commencez à avoir sur lui la même opinion que moi… Sans rancune, mon petit, mais il faudra soigner çà.— De tous mes respects ! — Ah ! ah ! ah ! — Non, c’est un peu trop fort.— Allons, adieu. Cette fois je m’habille pour de bon… Mélanie ! » cria-t-elle en ouvrant la porte, « Mélanie ! … Saluez Claude de ma part, » ajouta-t-elle par dernière ironie, « et écrivez-lui qu’on ne badine pas plus avec Colette qu’avec l’amour. » Et sur cette allusion à la pièce dont parlait Larcher dans sa lettre avec une exaltation si folle, elle poussa René hors de la loge, et, en refermant la porte, son rire éclata encore, moqueur, implacable et argentin, un rire où il y avait un peu de tout, du jeu de théâtre et de la haine satisfaite, de la moquerie de courtisane et de la vengeance de maîtresse blessée.