Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/430

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au baron, au point qu’elle l’empêcha de monter l’escalier, et il marchait dans la direction des Champs-Élysées en la combattant : « Bah ! ni Crucé ni les autres n’en sauront rien. C’est encore heureux qu’elle n’ait pas choisi pour amant tel ou tel de ces gommeux d’aujourd’hui… » Et il se retourna pour regarder les fenêtres du cercle de la rue Royale qui donnent sur la place de la Concorde, — tout éclairées. « Au lieu de cela, elle a pris quelqu’un qui n’est pas du monde, que je ne rencontre jamais, et elle ne l’a ni présenté ni patronné. Il faut lui rendre cette justice qu’elle y a mis des formes… Tout à l’heure encore, si elle était si tremblante, c’est à cause de moi… Pauvre petite ! … »

— « Oui, pauvre petite ! … » reprit-il en continuant son monologue intérieur sous les arbres de l’avenue. « Cet animal est capable de lui faire expier durement son caprice. Était-il assez en colère, ce soir ? Quel manque de goût et de savoir-vivre ! Et dans ma loge ! … Quelle ironie ! … Si ce brave Paul n’était pas le mari que j’ai formé, elle était perdue. Et puis voilà le secret de nos rendez-vous entre ses mains. Il va falloir quitter la rue du Mont-Thabor ! … Non ! Ce garçon-là est inhabitable ! … » C’était une de ses expressions favorites. Il eut un nouveau mouvement d’humeur, contre le poète cette fois ; mais comme il