Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/432

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me sacrifiera pas, il ne la lâchera pas, et tout s’arrangera… Tout s’arrange toujours… »

Cette assurance et cette philosophie n’étaient sans doute pas aussi sincères que l’aurait voulu la vanité d’homme fort qui était la seule petitesse du baron, car il montra, pour la première fois de sa vie, une impatience injuste à l’égard du remarquable valet de chambre, son élève, qui présidait, depuis des années, à sa toilette de nuit. Pourtant, s’il restait en lui, avec la préoccupation de la conduite à tenir, plus de froissements intimes qu’il ne consentait à se l’avouer, cet aimable égoïste n’en dormit pas moins ses sept heures d’affilée, comme toutes les nuits. Parmi les principes d’hygiène systématique d’après lesquels il s’exerçait à vieillir, le respect de son propre sommeil venait en première ligne. Grâce à une vie, modérément, continuement active, grâce à une nourriture surveillée, grâce à une régularité absolue dans le lever et le coucher, grâce au soin, comme il disait encore, « de se déshabiller à minuit le cerveau de toute idée noire, » il avait conquis une si parfaite habitude de reposer à heure fixe qu’il aurait fallu l’annonce d’une nouvelle Commune, — la plus gênante des contrariétés qu’il prévît, — pour le tenir éveillé. Quand il ouvrit les yeux, le lendemain, les idées rafraîchies par cette excellente nuit, ce qui pouvait lui rester d’irritation était si