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Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/454

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était encore qu’au soupçon, mais pas à l’atroce, à l’intolérable certitude ! Hélas ! René aurait payé de son sang l’ombre de l’ombre d’un doute, et plus il reprenait tous les détails qui l’avaient mené à l’évidence, plus cette évidence s’enfonçait dans son cœur. « Mais si elle avait fait une visite innocente ? … » hasardait la voix de l’amour… Innocente ? Et se serait-elle cachée de sa voiture pour entrer ? Serait-elle partie par l’autre porte, voilée, marchant de ce pas et fouillant la rue de ce regard qu’elle avait pour s’en aller de ses rendez-vous avec lui ? Et puis l’apparition de Desforges presque aussitôt, à l’autre sortie ! … Et toutes les preuves fournies par Claude s’accumulaient : l’opinion du monde, la ruine des Moraines à une époque, la place procurée au mari, l’offre que Suzanne lui avait adressée à lui-même de lui faire gagner de l’argent, et ses mensonges avérés. « Quelles preuves puis-je avoir plus fortes, » se disait-il, « à moins de les surprendre couchés dans le même lit ? … » Cette formule ravivait en lui l’affreuse image des caresses séniles promenées sur ce beau corps, et il fermait les yeux de douleur. Puis il pensait à la visite de sa maîtresse rue Coëtlogon, au billet qu’il avait là, dans sa poche : « Et elle ose me demander de me voir ! … Que peut-elle vouloir me dire ? … Oui, j’irai à ce rendez-vous,