Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/70

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de luxe matériel avait été si forte sur René, l’impression de cette autre sorte de luxe, spirituel, si l’on peut dire, que représente le cosmopolitisme, venait s’y adjoindre, plus forte encore. La manière dont la comtesse avait prononcé le nom de Florence, comme si c’eût été un faubourg de Paris, la facilité d’existence que représentait cette installation improvisée dans ce palais, la manière dont cette grande dame russe parlait le français, comment un jeune homme, habitué à l’horizon précis et tout étroit d’une modeste famille de petite bourgeoisie parisienne, n’eût-il pas été frappé d’une sorte d’admiration enfantine, au contact de ces détails si nouveaux pour lui ? Et il ouvrait les yeux pour absorber tout le charme du tableau que cette pièce formait à cette minute. Au fond, à gauche, des rideaux, d’un rouge sombre et maintenant baissés, masquaient la scène, établie pour la circonstance dans la grande salle à manger qui, d’ordinaire, ouvrait sur le hall, comme l’attestaient les trois marches aperçues au bas de ces rideaux. Au milieu, une colonne de marbre se dressait, surmontée d’un buste de bronze représentant le fameux Nicolas Komof, l’ami du tzar Pierre, et, autour de cet ancêtre, quatre énormes arbustes verdoyaient, plantés dans des vases en cuivre d’un travail persan. Entre cette espèce de monument