Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/81

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se disputer à qui vous aura chez elle. » — Et comme pour appuyer ce qui n’aurait pu être que la flatterie d’une gracieuse maîtresse de maison, le jeune homme put entendre, durant le tumulte dont s’accompagna la fin de la pièce, toutes sortes de phrases passer à travers le brouhaha des robes, le bruit des chaises poussées, des saluts échangés : « C’est l’auteur…— Qui ? …— Ce jeune homme…— Si jeune ! …— Est-ce que vous le connaissez ? …— Il est bien joli garçon…— Pourquoi porte-t-il les cheveux si longs ? …— Moi, j’aime ces têtes d’artistes…— On peut avoir du talent et se coiffer comme tout le monde…— Mais sa comédie est ravissante…— Ravissante…— Ravissante…— Savez-vous qui l’a présenté à la comtesse ? …— Mais c’est Claude Larcher…— Pauvre Larcher ! Regardez comme il tourne autour de Colette…— Salvaney et lui vont se bûcher un de ces jours…— Tant mieux, ça leur rafraîchira le sang…— Est-ce que vous restez pour souper ? … » C’étaient là vingt propos, parmi cent autres, que René distinguait, avec cette finesse d’ouïe propre aux auteurs, et tandis qu’il s’inclinait, le rouge au front, sous les coups de massue des compliments d’une femme qui venait de l’enlever presque de force à madame Komof. C’était une personne longue et sèche d’environ