Page:Bourget - Nouveaux Essais de psychologie contemporaine, 1886.djvu/131

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de force dans l’exécution de ce raccourci qui consiste à emprisonner sous les douze syllabes d’un alexandrin une idée dont la transcription naturelle est autre ; — disons plus, la transcription nécessaire. Qu’est-ce alors sinon un jeu de difficulté vaincue ?

On concevra, semble-t-il, qu’une conciliation est possible entre ces deux doctrines opposées, si l’on étudie d’un peu près la nature de l’esprit scientifique et celle de l’esprit poétique. Les théories que nous venons de résumer sacrifient tour à tour l’un à l’autre. Mais n’y a-t-il pas des occasions où l’un et l’autre esprit fonctionnent à l’aise, et sans que le travail du premier entrave le second ou réciproquement ? Dans le domaine immense et confus de la réalité, l’esprit scientifique s’efforce de recueillir et de grouper des faits du même ordre, dont il détermine les conditions. Ces conditions sont des faits plus généraux qui se subordonnent eux-mêmes à des faits plus généraux encore, si bien que le savant arrive à ramasser dans un petit nombre de formules, qu’il appelle lois, d’innombrables files de phénomènes. Mais ces formules expriment et expliquent ces phénomènes, elles ne les représentent pas. Or, c’est précisément cette représenta-