Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/113

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cela ? Béatrice entendait la voix impitoyable du maître : « Tout est à moi, à moi, à moi… » Ces aspects des choses associées à sa jolie espérance, le gracieux décor dans lequel son innocent roman avait déroulé ses naïves scènes, — tout, oui tout avait été payé par l’homme d’affaires… L’horrible phrase : « Voulez-vous que je vous dise le chiffre ? » résonnait de nouveau à l’oreille de l’enfant adultérine, et les mots : «  Vous n’êtes pas ma fille. » A l’idée de cette dette, contractée, en effet, envers le mari de sa mère, à son insu, le souvenir de Gabriel s’effaçait, s’abolissait dans son cœur. Il n’y avait plus de place dans ce malheureux cœur que pour la révolte contre cette révélation que l’on n’aurait pas dû lui infliger ainsi, et le cri de la première minute lui revenait aux lèvres, ce : « Que lui ai-je fait ? » d’épouvante et de stupeur !… - Ce qu’elle avait fait au mari de sa mère ? Elle le comprenait maintenant, elle existait, et la sensation de la haine dont elle était l’objet, par cette seule existence, la faisait frémir depuis la racine de ses cheveux jusqu’à l’extrémité de ses pieds, comme si des meubles, des bibelots, des tentures, de tout ce luxe épars autour