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elles point, à l’occasion d’un incident par trop excentrique, cette phrase de naïve surprise : « On lirait cela dans un livre, qu’on ne le croirait pas… » Comment ne pas hésiter, quand on se prépare précisément à mettre dans un livre quelque histoire à propos de laquelle on a soi-même été tenté de proférer cette banale exclamation ?… Il me semble qu’il y a pour l’artiste deux, moyens de résoudre cette difficulté, que le célèbre vers classique formulait déjà :

Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable…

Le premier de ces deux moyens est celui des maîtres : il consiste à pousser l’intensité du « rendu » dans le récit à un degré de relief qui impose la croyance. C’est ainsi que Balzac, dans Splendeurs et misères des courtisanes, nous contraint, par la seule énergie de la peinture, d’accepter comme réelle la plus extraordinaire aventure qu’ait jamais contée un romancier. Nous ne doutons ni d’Esther, ni de Vautrin, ni de Peyrade. Pourtant quel récit des Mille et une Nuits est plus chimérique ? Tout près de nous, Maupassant