Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/176

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presque frêle, mais agilement découplé, il montrait sans cesse, en souriant, de belles dents blanches dont il était très fier. Des yeux noirs brillants, un teint mat, une voix douce, lui donnaient une allure de joli homme à laquelle la patronne ne paraissait pas insensible. Cette Anne d’Autriche de table d’hôte avait-elle pour ce Mazarin d’office de secrètes complaisances ? S’il en était ainsi, le prudent Unberto ne l’a jamais laissé deviner. J’incline à croire qu’il n’en était pas ainsi, et que ce garçon, de dix ans plus jeune que la veuve, avait pour politique d’amener sa sensible patronne au mariage. Y est-il arrivé depuis ? Quelque jour, je ne manquerai pas de m’arrêter à Rapallo pour savoir l’issue de cette campagne matrimoniale, qui consistait pour l’heure en un zèle empressé auprès des visiteurs auxquels la signora Balbi paraissait tenir. Que de mal il se donnait, toujours souple, toujours souriant, pour apporter des assiettes chaudes à point, du café qui n’eût pas trop bouilli, des oranges choisies, et qu’il pût recommander comme mûres en les montrant de son doigt où brillaient deux grosses bagues en doublé avec d’énormes pierres en stras !