Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/185

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fille était naturel et touchant ! Elle, la Blanche de Saint-Cygne de toutes les audaces et de toutes les élégances, — la « Tendresse et Malines » qui avait mangé en deux ans cinq millions à ce grippe-sou de Mosé, — la Belle-Petite dont les dessous représentaient un budget de reine, qui avait eu une écurie de courses, un yacht, un hôtel tenu à l’anglaise avec des valets de pied poudrés, des bijoux de quoi garnir la vitrine d’un des joailliers de la rue de la Paix, — Sa Volupté Mme de Saint-Cygne, enfin, comme disait mon autre défunt ami Claude Larcher, — était là dans une modeste robe de pensionnaire, sans femme de chambre évidemment, occupée à quoi ? à jouer aux yeux extasiés de cet adolescent la comédie de l’innocence, — une comédie, hélas ! toujours à la veille de tourner en tragédie. Je continuais de la regarder à la dérobée, et le jeu des lumières, si révélateur des moindres méplats du visage, me fit distinguer dans son masque, demeuré idéal de lignes, les premiers coups de pouce du temps. Un tout léger commencement de flétrissure mâchurait le tour de ses paupières. Une ride allait se creuser au coin de sa bouche. Les