Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/205

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j’étais les deux. J’ai aimé mon fils, dès le jour où je l’ai eu entre mes bras, vivant, respirant, bougeant. Oui, je l’ai aimé, passionnément. Et puis, quand j’ai été guérie de mes couches, quand j’ai revu, dans l’armoire à glace de ce modeste appartement, la Blanche mince et svelte que j’étais redevenue, une irrésistible nostalgie m’a saisie… De quoi ? Ce n’est pas beau, mais il faut tout dire… La nostalgie du luxe auquel j’avais renoncé ces derniers mois, quand j’attendais mon enfant. Sans taille, toute déformée, travaillée dans mon sang, dans ma beauté, j’avais bien pu faire ce sacrifice. Maintenant que je me retrouvais telle que j’avais été avant la gaffe dont parlait mon amant, plus jolie encore, avec quelque chose dans mes yeux et autour de mon visage qui m’étonna moi-même, je me sentis écrasée de tristesse devant la médiocrité, la vulgarité des objets qui m’entouraient… Le souvenir des raffinements parmi lesquels j’avais vécu depuis des années s’empara de moi si fortement que ce fut comme une faim et comme une soif. J’éprouvai à cette minute que jamais, jamais je ne pourrais me passer de linge fin, de bas de soie, de dessous parfumés, de