Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/272

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quelques mots qu’il échangea avec Charles furent prononcés à mi-voix. J’en entendis assez pour savoir que les deux interlocuteurs se parlaient en anglais, et je devinai aussitôt que cet inconnu était John Mitford lui-même. — « Le mari ! » songeai-je. « Charles a fait venir le mari ; pourquoi ? Pour lui faire croire qu’il a une maîtresse ? Mais alors, c’est qu’il est l’amant de la femme : ce n’est pas mal joué pour un débutant… L’idée ne peut pas venir de lui… Elle doit être de la femme… Pauvre Charles ! si cette Mme Mitford est une rouée de cette espèce, il est entre bonnes mains… » Lorsque je vais, recherchant dans mes souvenirs, les preuves trop fréquentes de ma dangereuse tendance à voir la réalité sous l’angle imaginatif, au lieu de me soumettre humblement, mais sûrement, à la stricte observation des faits, je ne manque jamais de me rappeler cette porte ouverte, cette antichambre éclairée, ces deux hommes en train de causer à deux pas, les deux pauvres modèles qui regardaient sans comprendre, et la soudaine poussée de ce soupçon. Il fit aussitôt certitude dans mon esprit. Et pourtant que de signes auraient pu, dès