Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/305

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

II se revoyait l’année précédente, quelques semaines avant la mort, alors impossible à prévoir pour lui, de Jules Bérion, recevant un jour, par la poste et recommandée, une lettre sur l’enveloppe de laquelle il avait reconnu l’écriture, associée pour lui à tant d’estime et d’affection jadis, à tant de rancœurs ensuite et de mépris. Il se rappelait. Il avait tremblé en touchant cette enveloppe, qu’il avait posée sur la table avec une aversion physique, à l’idée des doigts qui l’avaient maniée. Il ne s’était demandé que plus tard quel motif avait pu décider le second mari de Jeanne à lui écrire. Sur la minute, il avait été repris d’une frénésie de haine pareille à celle qui le secouait, sur le pont du paquebot, sept ans auparavant. Il avait allumé une bougie, pris l’enveloppe sans l’ouvrir entre des pincettes, et il l’avait brûlée à cette flamme. Quand il n’était plus resté de cette lettre qu’un débris noirâtre, il avait sonné son domestique, et il avait éprouvé un enfantin, mais profond plaisir à dire à cet homme, brutalement : « Balayez-moi cette saleté… « Un mois plus tard, deux lignes, aperçues à la seconde page d un journal, lui faisaient sauter le cœur dans