Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/41

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de ces douceurs, après vingt et un ans !… Non, » insista-t-il, « je ne me plains pas de mon sort, pourvu que je puisse voir encore Béatrice bien mariée !… J’ai toujours tremblé qu’elle ne rencontrât pas dans cette triste société où nous vivons l’homme qu’il lui faut. Je la connais si bien, c’est toute ma sœur. Paris ne l’a pas plus touchée qui si elle était restée là-bas, comme cette chère sœur, et si elle n’avait jamais passé les Alpes. Avec quelqu’un qui ne la comprendrait pas, elle se replierait sur elle-même, et elle n’aurait rien pour se distraire de ses chagrins de ce qu’ont les femmes ici, — je ne parle pas de vous, Maddie ! — Ni le luxe, ni les succès de salon, ni les hommages ne lui font rien et ne lui feront jamais rien. Elle ne vit que pour ce qu’elle sent, et elle sent avec tant de force !… C’est une solitaire, même entre vous et moi, avez- vous remarqué cela, et comme elle habite son rêve ? Ce fond de romanesque qui est en elle m’effraye toujours… Pourvu que je la voie bien mariée ! » répéta-t-il, « alors je mourrai tranquille… » — « Vous allez de nouveau vous livrer à vos folles