Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/122

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brimborions de luxe la remplissait : tout ce que peut posséder une enfant follement gâtée par son père, quand celui-ci est un magnat de chemin de fer des Etats-Unis, un nécessaire de toilette en or, des bijoux de princesse dans des coupes de musée, des portraits dans des cadres ciselés ; et, sur un véritable lit de milieu en bois incrusté, la statue de la morte était couchée, toute blanche, les paupières closes, la bouche à demi ouverte, parmi des gerbes d’œillets et d’orchidées. Le silence de cet étrange hypogée, son mystère, le délicat parfum végétal dont il était rempli, la poésie improvisée de cette idolâtrie posthume dans ce bateau d’un yachtsman homme d’affaires, c’était de quoi, en toute autre circonstance, flatter le goût du sentimentalisme inné au cœur de Pierre Hautefeuille. Mais il n’avait, durant cette visite, qu’un désir, celui d’être délivré de miss Marsh et de Corancez, un besoin d’être seul et de méditer sur les signes pour lui si follement, si péniblement inattendus, qui lui avaient révélé que son plus intime secret était découvert. Ce lui fut donc un soulagement de quitter le bateau, et une torture d’avoir à subir pour quelques minutes encore son compagnon qui disait :

— « As-tu remarqué combien la morte ressemble à Mme de Chésy ? … Non ? Eh bien ! quand tu rencontreras cette dernière quelque part avec Marsh, je t’engage à le regarder. Le canal des Grands Lacs, son chemin de fer, les blocks de Marionville, ses mines, son bateau, il oublie tout :