Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/127

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sans cesse, le priait de se mettre à sa table, avec une grâce si accueillante ! … À toutes ces images, en effet, il retrouvait attaché le souvenir d’une amabilité qu’elle avait eue, d’une délicate indulgence, d’une gâterie. La sensation du charme auquel il s’étant tant plu s’ajoutait à la sensation du scrupule, pour l’exaspérer. Il se rappelait ses imprudences de conduite, étourderies si naturelles quand on ne se sait pas soupçonné. On y reconnaît de telles fautes, plus tard, quand on sent planer au-dessus de soi l’éveil de l’observation ! Depuis les dix jours que Mme de Carlsberg avait quitté Cannes, par exemple, il n’était plus retourné dans ces divers endroits, ne les ayant jamais fréquentés que pour la voir. Personne ne l’avait plus rencontré ni au Golf, ni dans aucune soirée, ni dans aucun thé de cinq heures. Il n’avait pas fait une visite. Cette coïncidence de sa retraite avec l’absence de la baronne n’avait-elle pas été remarquée, et qu’avait-on pu dire ? … Depuis que son amour l’avait entraîné dans ce monde de plaisir et de mouvement, il avait été souvent si blessé par la légèreté des propos lancés au hasard sur les femmes, quand elles n’étaient pas là ! Pourquoi aurait-on ménagé Mme de Carlsberg à son occasion ? On avait parlé d’eux. Avaient-ils été un simple prétexte à moquerie, ou bien avait-on souligné son attitude, à lui, pour calomnier celle qu’il aimait d’un amour si troublé, si ravagé, à cette minute, par toutes les chimères du remords ? Le mot employé par Florence