Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/135

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de l’accent brisé des abdications irrémédiables, « je le verrai, je lui parlerai, et tout sera fini pour toujours… »

Elle était donc revenue à Cannes, l’après-midi du même jour, sur cette résolution, prise réellement avec les plus profondes énergies de son cœur. Elle était accompagnée de Mme Brion, qui ne voulait la quitter qu’une fois le sacrifice accompli. Elle avait, sitôt arrivée, écrit et fait porter le billet dont la lecture avait achevé de bouleverser Hautefeuille. Certes elle se croyait, elle était bien sincère dans ce parti-pris de rupture. Cependant, si elle avait lu jusqu’au fond d’elle-même, un tout petit fait lui aurait prouvé combien cette résolution était fragile et à quel point les idées d’amour la possédaient, la hantaient. Elle venait à peine d’écrire à celui qu’elle voulait séparer d’elle à jamais, et de la même plume, de la même encre, elle griffonnait deux billets aux deux personnes des amours desquelles elle était la confidente et un peu la complice : miss Florence Marsh et la marquise Andriana Bonaccorsi. Elle les invitait à déjeuner pour le lendemain. Action bien simple, mais en la faisant, elle obéissait au plus profond instinct de la femme qui aime et qui souffre : rechercher des femmes qui aiment aussi, avec qui elle puisse parler des choses du sentiment, aux bonheurs de qui elle se réchauffe, qui la plaindraient de son malheur si elle le leur disait, qu’elle comprenne