Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/187

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aux souillures de l’adultère. Mais Ely avait eu soin d’empêcher qu’il ne revît l’archiduc, ce qui avait été bien aisé. Le prince avait à peine reparu devant sa femme depuis la terrible dernière scène. Il mangeait avec Verdier, en tête-à-tête et à des heures particulières. Cet invisible mari ne s’évoquait dans l’imagination d’Hautefeuille que sous la forme d’un despote et d’un bourreau. Sa femme n’était pas sa femme, c’était sa victime ; et le jeune homme la plaignait trop passionnément pour que cette pitié n’étouffât point tous les scrupules, d’autant plus qu’il avait sans cesse, durant ces deux semaines, rencontré chez son amie la trace d’une révolte continue contre un indigne espionnage, — celui de ce sinistre baron de Laubach, l’aide de camp à face de Judas. Il fallait que réellement ce policier volontaire obsédât Ely d’une bien odieuse surveillance pour que son souvenir revînt dans la pensée et sur les lèvres de la jeune femme, à cet instant où elle oubliait, où elle voulait oublier tout, excepté le ciel voluptueux, la mer caressante, le bateau comme suspendu entre ce ciel et cette mer, et l’amant aux yeux extasiés qui lui parlait.

— « Vous souvenez-vous, » lui disait-il, « de notre inquiétude, il y a quatre jours, lorsque le vent était si fort et que nous avons pensé : « Le yacht ne partira point ? … » Nous avons eu la même idée, celle d’aller sur la Croisette voir la tempête… Je vous aurais dit : « Merci, » à deux genoux, quand je vous ai rencontrée avec miss Marsh… »