Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/19

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de la folie Babylonienne. Il n’y manquait même pas le Mané, Thécel, Pharès de la fête biblique, car les dépêches affichées sur une des colonnes du vestibule racontaient un épisode sanglant d’une grève proclamée depuis la veille dans un district minier du Nord. Ce télégramme mentionnait des coups de fusil tirés par les troupes, des ouvriers tués, un ingénieur assassiné par représailles. Mais qui donc réalisait en images concrètes les mots de cette tragique dépêche et sa menace révolutionnaire, dans cette foule de plus en plus affamée de plaisir ? Les pièces d’or et d’argent continuaient de rouler, les billets de banque de frissonner, les croupiers de crier : « Faites vos jeux… Rien ne va plus… » la bille de courir sur la roulette, les cartes de s’étaler sur le tapis vert, les râteaux de happer les mises des pontes malheureux, et les innombrables assistants de suivre, qui sa manie du jeu, qui sa manie de luxure, qui sa chimère de vanité, qui son caprice de désœuvrement. À combien de fantaisies différentes cet étrange palais, avec ses portes découpées comme celles de l’Alhambra, ne servait-il pas de théâtre, puisqu’il se trouvait, par cette nuit de fiévreuse ardeur, prêter un de ses divans aux préparatifs d’une aventure fantastiquement invraisemblable, et dont le seul énoncé appelle l’affiche de l’Opéra-Comique, une musique du temps de nos arrière-grand’mères et le nom démodé d’un Cimarosa : — un mariage secret !

Le groupe des trois personnes qui avaient