Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/209

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cinquante minutes. Nous avons le vent arrière, et nous allons être abrités par la côte. Tenez, voici le phare de Porto-Fino. Une fois le cap doublé, nous n’aurons plus rien à craindre. »

L’éparpillement de l’écume couvrait maintenant toute la mer d’une masse bouillonnante sur laquelle le yacht courait, sans tanguer, mais en s’inclinant à droite et à gauche comme un nageur qui trompe la lame. Une pointe de terre s’avançait avec un phare tout blanc, à son extrémité, près d’un couvent ruiné. Une végétation pâlissante d’oliviers, entre lesquels riaient des villas peintes, mettait comme une toison à ce promontoire dont la base rocheuse se découpait en une suite indéfinie de petites criques. C’était le cap de Porto-Fino, célèbre par la captivité de François Ier après Pavie. Le yacht contourna ce promontoire de si près qu’Hautefeuille put entendre pendant le temps que dura cette manœuvre, le bruit des lames brisées contre les rochers. Au delà, ce fut de nouveau la même nappe morte que tout à l’heure, avec la longue ligne de la côte Ligurienne qui, de Chiappa et de Camogli, par Recco, par Nervi, par Quinto, dévale jusqu’à Gênes. Etagées les unes sur les autres, les collines qui forment le contrefort de l’Apennin montraient leurs ravines plantées de figuiers et de châtaigniers, leurs villages aux hautes maisons coloriées, jusqu’à la mince bande de terre qui court au bord des vagues. Cela faisait une nature à la fois sauvage et riante, que l’homme d’affaires et l’amoureux sentirent très