Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/226

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douce minute de son heure la plus douce. Mais comment ne pas s’éveiller de ce frisson et de cette mélancolie, ainsi que d’un mauvais rêve, en entendant miss Marsh répondre au commentaire du prince Génois :

— « Voilà deux portrait » que mon oncle paierait bien cher. Il aime tant à rapporter des bibelots de ce genre lorsqu’il revient du Vieux Monde. C’est ce qu’il appelle ses scalps… Mais vous y tenez sans doute beaucoup, mon prince ? Ce sont de si admirables œuvres d’art ! … »

— « J’y tiens, parce qu’elles me viennent de ma famille, » répondit Fregoso. « Mais ne profanez pas ce grand mot d’art, » ajouta-t-il solennellement. « Ici et là, » et il montra la voûte et les tableaux, « c’est tout ce que vous voudrez : de la brillante décoration, de l’histoire intéressante, de l’anecdote curieuse, de la peinture de mœurs exacte, de la psychologie instructive, comme on dit aujourd’hui. Ce n’est pas de l’art… Il n’y a jamais eu d’art ailleurs qu’en Grèce, souvenez-vous de cela, mademoiselle, et, parmi les modernes, une fois : chez Dante Alighieri… »

— « Alors vous préférez ces marbres à ces tableaux ? » dit Mme de Carlsberg, que l’accent de cette sortie avait amusée.

— « Ces marbres-ci ? » répliqua le collectionneur. Il regarda autour de lui les blanches statues rangées le long des murs, et les grandes lignes de son puissant visage se contractèrent en une mimique de mépris. « Ceux qui les ont achetés ne