Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avec cette Aphrodite qui incarnait en elle toutes les énergies aimantes du monde, et dont le temple était interdit aux hommes, avec la Déesse qu’on appelait aussi l’apostrophia, la préservatrice ? … Et on lui demandait la force de résister aux désirs déréglés, le courage d’arracher l’Amour à la souillure des sens… Et votre Apollon ? Regardez son sosie… N’est-ce pas qu’il rappelle, à les confondre, celui du Belvédère que Winckelmann admirait tant ? … C’est encore la copie Romaine d’un marbre de Scopas… Mais quel rapport y a-t-il entre ce bellâtre académique et le terrible Dieu de l’Iliade, tel que nous le montre le fronton d’Olympie ? … Là-bas, c’est l’incarnation de la lumière terrible, meurtrière, tragique. On y sent le voisinage de l’Orient et de l’Egypte, les puissances dévoratrices du Soleil, le souffle torride du désert. Ici ? C’est le beau jeune homme destiné à charmer les loisirs d’une grande dame dépravée, dans une chambre secrète, un venereo, comme il y en a par centaines dans les maisons de Pompéi… Et pas un coup de ciseau original sur ces marbres, rien qui révèle la main de l’artiste, derrière la main l’œil, derrière l’œil l’âme, et. derrière l’âme la cité, la race, toutes les vertus qui font de l’art une chose auguste et sacrée, la fleur divine de la vie humaine ! … »

Le vieillard avait parlé avec une exaltation singulière. La noble manie intellectuelle transfigurait en ce moment son visage flétri. Soudain le bonhomme un peu comique et familier qui était en