Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/261

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porte là-haut… Et maintenant, allons. Pas sur la Croisette, veux-tu ? Si elle est encore ce que je l’ai connue, durant les huit jours que j’ai passés ici autrefois, elle est inhabitable. Cannes, à cette époque, c’était Snobopolis, avec son bataillon de princes et de prinçomanes… Je me rappelle, au contraire, entre la Californie et Vallauris, de si admirables promenades, une nature sauvage, de grands bois, des pins, des chênes-liège, et non pas ces palmiers, ces plumeaux grotesques dont j’ai l’horreur… »

Ils sortaient du jardin de l’hôtel, et Du Prat montrait, en parlant ainsi, l’allée qui donnait son nom au fashionable caravansérail. Son ami se prit à rire en lui répondant :

— « Ne répands pas trop de sépia sur les jardins de ce pauvre Cannes. Ce sont des serres, et très douces pour un malade. J’en sais quelque chose… »

C’était une de leurs vieilles plaisanteries dans leur toute première jeunesse, cette comparaison entre le jet de liqueur noire que darde la seiche pour troubler l’eau où elle se cache, et le flot de bile lancé par Olivier dans ses mauvaises heures. Il rit, lui aussi, de ce rappel, mais il continua :

— « Je ne te reconnais plus : tu fraternises avec Corancez, toi, l’inapprivoisable ! Tu aimes ces jardins frelatés, avec leurs gazons que l’on retourne quand vient le printemps, leurs arbres en zinc coloriés et leurs fausses verdures, toi, le châtelain de Chaméane ! … Ah ! que je préfère ceci ! … »